Qu’aurais-je fait sans Papa Breizh quand Putois était tout petit? Et même avant. Comment grimper quatre étages, chargée de courses, avec un bidon plus gros que la lune ? Ma seule option de repli eût été de me nourrir de marshmallow (légers en poids mais pas en calories). Comment déménager ? Choisir une poussette ? A qui me plaindre de mes nausées ? Avec qui regarder ces images en noir et blanc qui laissent deviner le profil du futur plus beau bébé du monde ? Dans quels yeux plonger alors que derrière le champ, on trifouillait dans mes entrailles ? Qui donc pour monter la poussette de trois tonnes lorsque j’avançais pliée en deux par ma césarienne ? A qui hurler ma colère quand je n’en pouvais plus ? Qui d’autre que Papa Breizh pour aimer notre Putois aussi fort que moi ?
Papa Breizh s’est toujours investi dans l’élevage élévation éducation la vie de Bébé Putois. Preuve en est qu’il était présent dès sa conception. Les premières semaines nous fonctionnions à deux (sorties, changes, bains …) jusqu’à être suffisamment rassurés pour se lancer seuls. J’ignore comment font les mamans solos. Quand on doit tout faire, tout le temps, toute seule. Comment faire les courses avec un nourrisson de dix jours ? A qui refiler le criard quand on est à deux doigts de le jeter par la fenêtre ? Comment dormir sur ses deux oreilles quand il n’y a qu’une paire pour entendre les appels du petit ?
Je me rappelle avoir pris le train il y a une dizaine d’années. Dans mon compartiment, une jeune mère, son bambin et deux vieilles dames. Mes trajets je les passe souvent des écouteurs enfoncés dans les oreilles et les yeux plongés dans un livre. La jeune maman veillait à s’occuper le plus discrètement possible de son petit : à un moment il a essayé d’attraper mon livre, effleurant à peine la couverture, elle lui a dit non tout de suite et s’est excusée un peu trop. Le petit était très calme. Les deux dames se sont prises d’affection pour lui, essayant de le distraire. Naturellement, elles entament la discussion avec la mère. A un moment, elles abordent la question du père. La jeune femme avoue que l’enfant n’est plus en relation avec lui. S’en suit une leçon de morale sur la nécessité de la présence paternelle dans l’éducation malgré la société actuelle. La jeune mère dit « oui » et baisse les yeux. Visiblement, la situation est souffrante pour elle. J’avais envie de leur dire se mêler de leurs affaires à ces mégères. Mais je me serais alors moi aussi mêlé de ce qui ne me regardait pas. J’avais envie de leur renvoyer à la gueule : « et si le père maltraite son fils, il vaut mieux maintenir le lien ? » J’avais envie de dire plein de choses mais je n’ai rien dit. Cette maman si discrète avait-elle besoin d’esclandre ou juste qu’on l’oublie ? La mère est partie bercer le bambin fatigué en marchant dans le couloir. J’aurai pu me lever et aller lui dire que ça se voyait bien qu’elle était une bonne mère. Mais de quel droit ? Quand elle est descendue su train, un homme l’attendait tout sourire et l’a prise dans ses bras.
Je repense souvent à cette situation. A ma non réaction mais également à cette maman qui voulait tout bien faire. Je vous parle de ce souvenir et de mon admiration pour les mères célibataires, car pendant quelques jours le Putois et moi on est seuls. « En amoureux » je lui dis, bonjour l’Œdipe ! Pour quelques jours j’assume tout. Le « c’est ton tour » quand ça sent la couche pleine ne fonctionne pas (on a dû rater quelque chose dans l’éducation du chat). Il faut que je pense à sortir la poussette avant de sortir le bébé. Il ne faut pas non plus que j’oublie de nourrir les poilus (d’ailleurs il faudrait aussi que je nettoie leurs litières). J’ai deux fois plus de choses à faire dans un temps toujours aussi réduit. Alors le soir je suis épuisée et je m’endors vite. Heureusement parce que comme ça je ne me rends pas compte que mon lit est tout froid.
