Maman est-elle encore la plus belle quand elle se laisse aller ?

Je me suis fabriqué une paire de boucles d’oreilles, un peu kitchouilles, un peu grosses. Y avait peu de chance que je les mette. Mais de toutes façons, je ne portais plus vraiment de boucles d’oreilles. Pourtant avant, j’étais cette fille qui avait toujours des décos aux lobes, un peu comme une marque de fabrique. Même au boulot, on complimentait souvent ces bijoux là. Et pus j’ai eu un deuxième enfant, une petite brutas doublé d’un crampon, toujours dans les bras, toujours à m’escalader et j’ai eu peur pour mes feuilles de choux. Ne pas tenter le diable. J’en mettais toujours au bureau. Et puis j’ai laissé mon travail. En plus pour m’orner de ma pacotille, il faut désormais que je pousse d’abord l’étendoir à linge qui trône devant. Celui qui est toujours déplié car il y a toujours du tissu qui sèche. Avant, c’est un peu bête, mais je me sentais presque nue sans rien qui pendait aux oreilles. Maintenant elles ne se parent que pour les grandes occasions, la rencontre avec la maitresse ou les courses du jeudi soir.

Y a eu un autre truc comme ça, où je me sentais mal à l’aise quand je n’en avais pas. C’est le vernis à ongle. Il fut une époque, j’étais une véritable NPA : Nail Polish Addict. J’avais toute une armée de flacons aux textures et coloris variés, des accessoires en veux tu en voilà pour te tamponner le petit doigt ou te percer les griffes. Il fallait vois-tu, que j’ai les mains peinturlurées. Un ongle écaillé était un drame. Un ongle cassé, une tragédie. Et puis je suis tombée enceinte. J’ai arrêté le formaldéhyde en mignonnette. Bien contents de cette détox de solvant et revigorés par les hormones de grossesses, mes ongles n’ont jamais été si vigoureux. Ensuite je les ai coupés pour éviter d’éborgner le nouveau né en lui débouchant une narine ou de lui rajouter un anus en lui changeant la couche (quoi, j’ai pas dit ça? non, non, j’ai pas dit ça!). J’ai su que j’étais enfin sortie du tourbillon des premiers mois lorsque j’ai enfin réussi à me refaire une manucure, sommaire certes. Par la suite et depuis lors, je n’ai jamais compris comment on pouvait être mère et avoir les ongles vernis. Une couche de base, deux couches de couleur et une dernière de top coat : un temps de séchage totalement incompatible avec une vie de famille. Ne comptez pas sur moi le soir non plus, à chaque fois que je me couche les ongles fraichement peints, je me réveille avec des traces de draps. Du coup, je fais toujours une main à la fois, au cas où le petit se réveille au milieu de sa sieste (ce qui arrive toujours  quand vos dix doigts sont pris). Donc je sors souvent avec une main faite et une autre en cours, ou la deuxième faite et la première déjà écaillée.

Y a une autre chose pour laquelle je n’aurais pas osé sortir sans… non, je ne parle pas des habits bande de pervers, je parle du maquillage. Je ne sais pas quand j’ai commencé à me maquiller tous les jours, au lycée surement. Mais j’en étais arrivé à un point où cela me semblait indécent de sortir sans un minimum syndical : cache misère (pour les cernes et les boutons, les seconds étant plus nombreux que les premières à une époques, la tendance s’étant inversée depuis), poudre matifiante, mascara et fard à paupière, plus tard blush et  eye liner. Mes imperfections étaient masquées, mon regard agrandi. Mes yeux sans ricil paraissaient petits, ma peau sans fond de teint, blême. Je misais tout sur mon regard. C’est pas que j’étais moche sans, c’est juste que j’étais pas jolie. Enfin dans ma tête. Et puis un enfant, deux, un papa qui s’en va et mon temps pour me pomponner s’est réduit comme une peau de chagrin. Je faisais dans le minimaliste. J’ai toujours pensé qu’au lieu de passer trois heures à se maquiller pour faire un effet ‘teint frais‘, les filles feraient mieux de dormir trois heures de plus. Manque de bol, je ne dormais pas plus. L’anticerne restait mon meilleur ami et j’ajoutais un peu de noir sur mes yeux. La mode des rouges à lèvres flashy m’a grandement aidé. C’est tellement plus rapide à mettre que de se farder la paupière et ça illumine illico un visage. Mais jamais à la maison car j’avais deux petits garçons que je bisouillais (et un chéri accessoirement) à longueur de journée et je n’avais pas envie de m’interdire ça. J’avais mon tube dans mon sac, je le sortais dans le train ou en arrivant au bureau. Et puis j’ai arrêté de prendre le train et je n’ai plus de bureau. Du coup je ne porte plus de rouge à lèvre. J’ai zappé les yeux aussi, même si ça ne prenait que quelques minutes, c’est surtout le démaquillage qui était pénible. J’avais envie de pouvoir me frotter les yeux et de ne pas redouter que la pluie (fréquente ici) me transforme en panda. Un coup de crème le matin, par confort plus que par coquetterie, pour que ça ne tire pas. On pourrait croire que je me laisse un peu aller et pourtant. Faut-il vraiment s’arranger avec des paillettes pour être belle? Je me souviens d’un épisode de Super Nanny. Elle reprochait à une maman de s’être un peu oubliée car elle ne se maquillait pas. J’avais trouvé ça tellement déplacé. Est-ce qu’on est moche au naturel quand on est une femme? Après tout mon chéri, même s’il aime que je m’apprête, me préfère au réveil . C’est peut-être lié à sa partie préférée de mon anatomie qu’il aime ma tête de cul (j’ai dit ça moi? vraiment, non non). Et moi? Est ce que mes yeux sont si petits? Est-ce que c’est grave si mon nez brille ou que je suis pâlichonne? Est ce que je suis moins belle? Est-ce que c’est grave de ne pas être belle pour une femme? Au moins je pourrais m’arranger un peu, non?

Je pourrais te parler de mes vêtements aussi. Non, je ne me balade pas à poil, quoique, parfois je tombe le soutif. Mes grossesses ont modifié mon corps mais aussi mon rapport aux vêtements. J’ai mis du temps à reporter des pantalons un peu rigides ou des soutiens-gorges avec armature. J’avais l’impression que tout me serrait, m’oppressait. Mon argument numéro un pour acheter un vêtement est devenu le confort, enfin plus exactement, je me pose la question ‘est-ce que je me sens bien dedans?’ (ça va un peu au-delà). J’ai même acheté des Birkenstock cet été. Parce qu’il fallait que ça s’adapte aux kilomètres pédestres de ma vie citadine, parce qu’il fallait que ça s’enfile vite même quand on ne voit pas ses pieds pour cause de porte bébé. J’ai beaucoup regardé d’émissions de relooking et je crois bien que je connais tous les conseils de Cristina. J’ai une riche culture télévisuelle renforcée par de nombreuses lectures de magazines féminins. Mais si je trouve qu’un leggings est confortable? Et si j’ai envie de mettre une mini jupe à paillette avec un Tshirt licorne? Et si je m’en fiche de mon apparence tant que c’est décent et fonctionnel?

Je suis devenu chômeuse, élevant deux enfants en bas âge. J’ai déménagé d’une ville un peu prout prout à une autre où le jogging-casquette est à la mode. Mes tenues vestimentaires se sont un peu modifiées. S’il y a un peu de stretch, c’est plus confortable. Si ça passe au sèche linge, c’est encore mieux. Je porte essentiellement des baskets, même si elles ont des paillettes. Pourtant, mère de deux garçons, j’avais la hantise de  me masculiniser. J’avais envie d’être une jolie maman, toute pimpante et qu’ils soient fiers de moi quand je les chercherai à l’école. Puisque je n’avais pas eu de fille, j’avais prévu de reporter toutes ma frustration de non emplettes de petites robes trop choupinettes sur l’achat de robes raffinées pour moi, na! Mais quand je mets mon gilet informe qui ressemble à une couverture de déménagement, est-ce que je me laisse aller? Non parce que ce gilet je l’ai tricoté de mes mains, il est chaud, moelleux, et quand je m’enroule dedans je me sens protégée, ça compte non?

J’en fais quoi de ma carcasse maintenant? Tu m’imagines, le cheveux gras, la paupière lourde, caleçon et vieux pull trop grand? Elle s’aime tellement plus la pauvre fille. Ben si. En fait, je l’aime mon corps. D’abord parce que mon chéri l’a aimé, tel quel. Ensuite parce qu’il a porté la vie. Purée les gars, j’ai construit des bébés dans ce bide et les ai nourris avec ces nichons! Et puis parce que la vie est trop courte pour passer son temps à se détester. Et je suis même devenue sympa avec moi, je me suis (re)mise au yoga. Pour me faire un peu de bien physiquement aussi, moi qui avait eu tellement horreur du sport.

Aujourd’hui, si je n’ai plus de rouge sur mes lèvres et de poudre sur mes joues, c’est que je n’ai plus besoin de me cacher. Que j’ai envie d’apprendre à mes garçons qu’on peut être belle au naturel. Aujourd’hui, si je préfère un pantalon souple à une élégante robe, c’est que je m’en fous d’être jolie. Que j’ai envie de transmettre à mes fils qu’il faut voir au delà des apparences et qu’une femme n’a pas besoin d’être belle pour avoir de la valeur. Et les jours où je me laisse aller, je me laisse peut-être juste vivre. Qu’à paraitre moins ‘féminine’ (dans une vision très médiatique du terme), je n’ai jamais été aussi femme. Et si demain je refais ma manucure et ajoute du fard irisé sur mes paupières c’est peut-être aussi parce que j’adore les paillettes.

Et toi, est-ce que ta maternité a aussi transformé ta féminité?

 

30 réflexions sur “Maman est-elle encore la plus belle quand elle se laisse aller ?

  1. Superbe article ! Bravo et encore bravo. Je me reconnais totalement surtout depuis que je suis maman de deux.
    Je ne me suis jamais maquillée, ni manucurée, mais les boucles d’oreilles et les vêtements confortable je comprends. J’étais une adepte du parfum, mais avec les nausées et ma très grande sensibilité aux odeurs pendant les grossesses j’ai abandonné.
    Oui la maternité nous change, mais elle nous permet d’aller et de voir l’essentiel. Ce n’est pas s’oublier, c’est prendre soin de soi pour se sentir mieux.

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    • Oh oui, y a le parfum aussi.
      J’ai aussi arrêté pendant mes grossesses et quand les enfants étaient petits, histoire de ne pas masquer ma vraie odeur. Mais là j’en remets, bon pas tout le temps parce que je n’y pense pas .

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  2. Pour répondre à la question de ton titre, non je ne suis pas/plus la plus belle vu que ce week-end ma fille ainée (bientôt 4 ans) ma gentiment dit que j’étais moche, qu’il n’y avait qu’elle, sa sœur et son papa qui sont jolis. Sympa. Je n’ai jamais été très branchée maquillage, vernis, talons, etc. et j’ai aussi délaissée les jolies boucles d’oreilles et favoriser les vêtements pratiques et peu fragiles. Et surtout je suis fatiguée.

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    • Oh je compatis pour la fatigue!
      Et pour la maman moche aussi, même si pam dans les dents, ça fait mal. Nous on est ‘beaux’ ou ‘pas beaux’ selon ce qu’on demande à mon fils de quatre ans. Dis toi bien que si je lui dis de mettre ses chaussures pour aller à l’école, tout à coup je deviens ‘pas belle’ et je ne suis plus son copain non plus.
      Essaye de l’acheter avec des bonbons, ça peut redorer ton blason XD

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    • Merci!
      Et si tu voyais mes fesses…tu les verras peut-être un jour…ben ouais, on est quand même à deux doigts de devenir des blogueuses ultra influentes et de se voir proposer un voyage sponsorisé aux bahamas. Nous voilà, en bikini (le miens me rentre un peu dans les fesses, d’où le bout de gras que tu vois dépasser), avec des cocktails…

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  3. Alala, c’est tellement vrai tout ça… Et pourtant comme toi, je ne me suis jamais sentie aussi femme!
    Bon j’avoue que parfois, j’aimerais avoir du temps pour une petite manucure 😉

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  4. N’ayant jamais briller par mon côté « feminin » donc je n’ai pas l’impression de m’être trop laissée aller … même si j’avoue que j’essayais de me maquiller un peu plus avant les enfants 😥

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  5. J’ai adoré ton article! Moi s’est l’inverse, je crois. Je suis rentrée en résistance, je crois, et si je m’oublie bien trop souvent, si je pousse toujours plus loin les limites de ce que je peux faire et que je frôle parfois le burn out (je l’avoue). Je refuse de me laisser de côté sur ça. C’est 10 minutes le matin pour me ravaler la face, me préparer, me parer même, j’en ai besoin. C’est vital. C’est parfois la seule chose que je fais vraiment pour moi. Uniquement pour moi. Alors je ne suis pas prête à le lâcher. Ma « féminité » c’est ma résistance de maman.

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    • Merci ^^
      Oui ta maternité et ton blog ont vraiment modifié ton image de toi comme tu en parles dans un article. C’est rigolo parce que même si toi et moi le vivons de façon complétement opposée, j’ai l’impression que le fond est le même. Réflexion supplémentaire, le fait d’être maman de filles ou de garçons change-t-il la donne?

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  6. Comme toujours c’est un régal de te lire 🙂 Et une réflexion que je me fais souvent – est-ce que je me laisse trop aller ?- Bon je dois reconnaitre qu’avant déjà je n’était pas toujours ultra apprêtée, jamais aimé le rouge à lèvre, le vernis (j’adore ton passage sur les marques de draps; ça m’a rappelé une veille de mariage où j’avais fait l’effort de me faire les ongles et le lendemain matin… j’avais carrément la couette collée au bout des doigts). Un peu de maquillage, coiffée très approximativement, habillée avec ce qu’il y a de plus correct (et surtout confortable). Finalement ça ne change pas tant que ça depuis que mes loulous sont là ! Mon ainé me dit souvent que je suis jolie, belle (et des fois j’ai envie de lui demander s’il a pas du caca dans les yeux) mais récemment je m’étais maquillé les yeux (ce que je fais de plus en plus rarement) et là, j’ai vu dans ses yeux qu’il était subjugué ! D’ailleurs il me l’a dit, redit et répété « moi j’aime bien quand tu te fais les yeux droits, t’es belle »
    J’en ai déduis (1) que sans maquillage je dois avoir l’air tellement cernée que mes yeux ont l’air de tomber par terre (2) que je vais peut être essayer de faire cet effort un peu plus souvent, pour mon fils, mon mari… et surtout pour moi 😉

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    • Roh merci du compliment!
      C’est agréable de se sentir belle dans leurs yeux aussi, et réciproquement. Notre quatre ans nous dit souvent que nous sommes beaux habillés de telle ou telle façon (et tout nu pour le chat). Il remarque aussi les petits détails (vernis, nouveaux bijoux) et j’avoue que ça me flatte.

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  7. J’adore ta photo d’article qui l’illustre vraiment bien. Je ne me suis jamais vraiment beaucoup pomponné (sauf pour les grandes occasions). En fait pour moi, c’est un peu comme un déguisement, mais ça ne me ressemble pas. J’aime pouvoir m’assoire sans difficultés pour jouer avec mes enfants. Juste mes cheveux, j’aime bien quand ils sont beaux. Pour autant, je ne vais pas souvent chez le coiffeur et j’opte pour une coupe qui n’a pas besoin de beaucoup d’entretien.
    L’important, c’est d’être bien dans son corps, ça permet de rayonner naturellement 🙂 Encore faut-il réussir à s’accepter 🙂

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    • Merci beaucoup!
      Ta conclusion est très juste, il y a des gens beaux parce qu’ils dégagent quelque chose de beau (cette fameuse ‘beauté intérieure’ peut-être). Et quelqu’un qui s’assume, qui a une attitude ouverte parait forcément plus attrayant que quelqu’un qui se cache même si son visage est pus symétrique (le seul critère de ‘beauté’ qui semble mettre tout le monde d’accord)

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  8. Comme d’habitude, j’adore ! Et je te rejoins sur presque tout (en particulier le maquillage, un coup de mascara, c’est rien… Mais je déteste me démaquiller !)
    Par contre, sortir sans boucles d’oreilles, pour moi c’est no way. J’ai 5 trous, tous habités tous les jours 🙂

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  9. Super sujet, et beau témoignage ! J’ai moi aussi été coquette dans une autre vie… mais la maternité est passée par là, et ma prise de conscience écolo a aussi pas mal remis les choses en perspective. J’essaye de prendre soin de moi, c’est ce que je veux transmettre à mes filles. Mais être belle n’est plus vraiment une ambition…

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    • Merci!
      Oui y a tout le côté écolo aussi, tous ses produits qui périment super vite et qu’on doit jeter à peine entamés. Toutes ces substances chelous avec lesquels on se tartine le visage et au delà de ça, les tests sur les animaux, les vêtements produits en masse dans les pays émergents …

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  10. C’est très intéressant comme témoignage ! Je me retrouve un peu mais cependant pas sur tous les aspects. La maternité a un peu changé mon rapport au corps c’est vrai. J’ai toujours privilégié le confort mais désormais c’est carrément incontournable. Je ne porte plus d’armature ni de talons depuis ma première grossesse par exemple. D’un autre côté j’ai toujours continué à me maquiller un peu, même pendant mon congé parental. Et depuis ma reprise du travail, je retrouve le plaisir de mettre des jupes.

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