Le temps suspendu de l’adaptation

Lorsque l’enfant entre à la crèche ou découvre une nouvelle nounou, on y va pas à pas. C’est là période d’adaptation. Selon les enfants, selon les gardants, elle varie. Souvent cela se passe en une semaine, une demi heure avec maman le premier jour, une heure seul le deuxième… Parfois on m’a proposé deux semaines, parfois deux jours pour ne pas empiéter sur l’allocation chômage. Ce temps permet à l’enfant de découvrir son nouvel environnement en douceur, d’appréhender les nouvelles personnes qui vont s’occuper de lui et d’apprendre à se détacher un peu de ses parents. Mais elle permet aussi aux parents d’apprivoiser la séparation, de se retrouver autrement que dans son rôle maternelle et de pouvoir enfin faire pipi seul. C’est un court moment avant la reprise du travail où le temps se suspend. On se retrouve seule dans sa cuisine, avec une liste de choses à faire longue comme trois vies et le cœur un peu en miette. J’en suis à ma quatrième adaptation.

C’est drôle mais je ne me souviens pas vraiment de la première. Elle était pourtant tellement importante, comme toutes les première fois. Mais le temps a effacé ses traces comme celles de tous les événements qui se passent exactement de la bonne manière. Pourtant je me rappelle de la première fois où je me suis retrouvée dans la rue sans Petit Putois. Après neuf mois de cohabitation et cinq jours de fusion hospitalière, je partais à la pharmacie à cinquante mètres de chez moi, quérir la longue liste de la prescription post partum. Je me sentais libre, je me sentais nue et vide. Je revois également mon premier jour de reprise, mes pieds qui se rappelaient du chemin du bureau, ma tête qui n’était pas vraiment là, les complaintes des collègues qui n’avaient pas changées alors que mon univers à moi se remettait d’un ouragan.

La deuxième adaptation m’a laissé un goût amer. Elle n’augurait rien de bon pour la suite mais avait-on le choix? Nounou Un, notre perle, était partie. Putois avait deux ans, j’étais enceinte de sept mois, il neigeait. Premier jour, première demie heure, RAS. La deuxième journée je me débinais. Il était prévu d’y laisser Putois une heure, j’étais malade (un syndrome grippal que j’imputais à Putois mais qui était peut-être le précurseur de mon Hellp Syndrom). L’assistante maternelle habitant à trente minutes de marche, la perspective de faire deux aller retours d’affilé me fatiguait d’avance. Le troisième jour, c’est elle qui annulait. Elle était à l’hôpital pour un souci cardiaque. J’accouchais la semaine suivante. Ça n’aura jamais fonctionné avec cet assistante maternelle à qui nous avons pourtant dû confier Putois six mois. Il n’ a pas versé une larme pendant l’adaptation. Et pourtant après, chaque jour il retenait ses larmes dans l’ascenseur et ça débordait dans le couloir. Chaque fois mon cœur se déchirait et il se serre encore aujourd’hui d’y repenser.

La troisième fois, c’était pour Malo. Putois lui rentrait à l’école, ce qui nécessite également une certaine souplesse. Son petit frère découvrait la crèche, une crèche absolument idéale sauf pour les horaires un peu serrés. Il avait dépassé six mois. Je revois les parents anxieux qui attendaient dans le couloir en entendant sans pouvoir réagir les cris de leurs bébés. Moi je partais sereine, mon enfant était parfaitement à l’aise. Je me rappelle d’avoir serré mon sac un peu fort contre moi dans le tramway à défaut d’avoir sur mon ventre mon tout petit dans son porte bébé.

Et nous voilà donc à la quatrième. Un Putois pas très rassuré par le périscolaire mais qui nous oublie sitôt qu’il aperçoit un copain. Un grand garçon qui me fait le soir le rapport détaillé du menu de la cantine. Un petit Malo tout timide, drôle pour un bulldozer et qui pleure de tristesse quand je le dépose. Et moi ? Moi qui me réjouissait de cette petite parenthèse de liberté, qu’en ai-je fait ? J’ai déclaré une rage de dents comme jamais et couru les dentistes. J’avais oublié que mon cœur serait un peu cabossé. J’ai acheté des gâteaux au chocolat et des livres pour les enfants, on déculpabilise comme on peu. J’ai fait du tri dans les armoire, rangé tous les petits vêtements de bébé et nettoyé leur tapis de jeux. J’ai été aux toilettes seule et j’ai mangé sur le canapé sans partager mon assiette. J’ai regardé ma montre mille fois et gardé mon téléphone sous la main au cas où. Je les ai étouffés de câlins quand je les ai retrouvés.

A l’heure ou vous lirez ces lignes, le temps aura peut-être déjà recommencer à filer (nous filer entre les doigts). Je débuterai un nouveau travail. On entamera la course et comme à chaque reprise, on sera essoufflé. On jouera à l’équilibriste entre les vacances scolaires et celles de la nounou, entre les horaires de trains et ceux du périscolaire, entre l’heure du bain et le temps de cuisson des pâtes. On testera le réglage optimal du réveil pour un timing parfait. On attendra avec impatience le confort de la routine. Elle viendra surement avec les beaux jours. Et bientôt elle nous ennuiera aussi, mais ça, c’est une autre histoire.

Et chez vous, comment avez vous vécu la(les) période(s) d’adaptation?

24 réflexions sur “Le temps suspendu de l’adaptation

  1. Oh, super nouvelle pour le job 👍
    Ici, première adaptation en urgence suite à un CDD, je crois que je n’ai pas vraiment eu le temps de réaliser, d’autant plus qu’après 5 mois de fusion, je rêvais de « liberté » 😉. Pour LutinCoquin, je ne suis même pas sûre qu’il y en ai vraiment eu, il rejoignait son frère chez la nounou.
    Là, où j’ai rigolé, c’est quand la CRÈCHE m’a demandé de faire une adaptation pour les horaires de centre de loisirs de LutinCoquin, 2 ans et des poussières, scolarisé depuis 4 mois 🤔. Bizarrement, il n’y a eu aucun problème 😅

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  2. L’adaptation chez moi c’est très compliqué. Quand je me sens prête à laisser mes filles ( vers 9mois), ce sont elles qui me font comprendre que c’est encore trop tôt. Elles s’accrochent à moi, pleurent toutes les larmes possible et l’adaptation dure dure. Un mauvais souvenir pour ma 1ère, avec un coeur en miettes. Pour ma 2e il s’avère que ce sera pareil. On est en plein dedans. Les retrouvailles sont très fusionnelle.

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    • C’est pas très sympa pour toi mais ton message me réconforte un peu. Je me dis que si c’est encore un peu difficile pour Malo c’est peut-être parce qu’il est attaché à moi et pas à cause de la nounou (oui on s’imagine toujours le pire)

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      • Quand ils sont prêts, ils nous lâchent. Ma grande de 3 ans maintenant ne rêve que de vacances chez papi et mamie, de manger à la cantine. Donc j’ai le coeur en miettes, mais je sais que ça va passer. Pour toi aussi.

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  3. Félicitations pour ton nouveau boulot !!! Ici j’ai fait… 11 adaptations (crèches et nounous confondues) ! Et comme toi, il y en a des bonnes et des moins bonnes.

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  4. Quel joli texte. Ici pour mon grand ça c’est très bien passé, il est entré à la crèche à 11 mois, 15h par semaine (là où nous habitons nous n’avons pas droit à plus). L’adaptation en tant que telle n’a duré que le temps d’une petite matinée : mon mari est resté avec lui à la crèche. Ensuite, jamais de pleurs ni rien. Et pour moi, la première matinée sans lui, quel drôle de vide. Et puis la joie d’avoir un peu plus de temps pour moi. Et puis avec le temps, 5h trois matinées par semaine, on se rend compte que c’est très peu !

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    • Dis donc, ils limitent le temps de crèche? Pour qu’il y ait plus de place pour tous ou par rapport à l’enfant?
      Oui ça reste peu, surtout que parfois les horaires ne coïncident pas avec l’ouverture des magasins ou des administrations. Et ça file d’autant plus vite que dans ces moments là on veut caser mille choses.

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  5. Félicitation pour ce nouveau job ! Ici je n’en ai connu que deux – pour Cracotte – chez la nounou – Finger in the nose… aucune de nous deux n’a réellement compris ce qui se passait… A 3 mois, je pense qu’on peut l’excuser et moi, j’ai foncé, tête baissée, il fallait y aller, je m’étais trop longtemps absentée (du travail) (pensais-je à l’époque). Puis à la crèche… plus compliquée, un déchirement… pour toutes les deux…
    On apprend de ses erreurs après tout…

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    • Merci ^^
      Je trouve toujours ça culpabilisant quand ça se passe mal, tu ne sais pas si c’est parce que l’enfant n’est pas prêt, parce que tu projettes tes angoisses sur lui, parce que la nounou/crèche est horrible une fois la potre refermée…

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  6. Bon retour au boulot alors ! Courage on et déjà vendredi 😉
    Sinon chez nous 1 adaptation et demie au compteur : la Biscotte a démarré la crèche autour de ses 6 mois après 1 semaine d’adaptation qui s’est passée comme sur des roulettes. Pas un pleur, pas un regard pour sa pauvre maman une fois la porte de ma crèche passée. Et une demie adaptation quand la même Biscotte a commencé à aller 2 jours par semaine chez nounou. Mais la on a triché, nounou est notre voisine qui connaît la Biscotte depuis sa naissance !
    Prochaine adaptation cet été pour Bébinette, d’abord pour 1 mois de crèche (mais avec sa soeur a ses cotes) et ensuite chez nounou à temps plein à partir d’août. Bref on a de la chance avec nos modes de gardes je crois !

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  7. Super ce nouveau boulot, félicitations! Le début de nouvelles aventures!
    Ici, il n’y a pas vraiment eu d’adaptation pour Tess… Ca s’est fait directement sur une journée complète et tout s’est très bien passée. Mais je sais que si nous devons repasser par là avec un bébé 2, je ferai différemment, peut-être par demie journée. Affaire à suivre 😉

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      • Ca reste quand même la norme je pense. D’ailleurs, je ferai sûrement par demie journée pour bébé 2 si un jour ça se présente.
        Par contre, pour l’école, au contraire de toi, même si je vais sûrement poser le jour de la rentrée, elle ira à l’école toute la journée, cantine comprise pour qu’elle garde bien en tête que ce sont des journées comme chez nounou. Par contre, elle n’ira à la garderie qu’à partir du second jour. On va croiser les doigts pour que tout se passe bien 😉

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  8. Je me souviens très bien de la première : le Lardon avait 6 mois. Je ne sais plus si ça avait été dur pour lui, mais ça l’avait été pour moi. Aussitôt arrivée, la Nounou cherchait à me mettre dehors « Au revoir maman » faisait-elle dire à mon fils ? Non mais attend, je ne t’ai pas encore dit comment il fonctionnait, mon bébé, mon tout petit, il est pas comme tous les autres, qu’est-ce que tu crois ! Au 3ème « au revoir », j’ai compris le message, et je les ai laissés pour 1h30. Une fois dehors, je me suis sentie si vide, si nue !

    Pas trop de souvenir des fois suivantes, quand on a changé de nounou plusieurs fois. Il était plus grand, je crois qu’on a directement fait des demi-journées puis paf la semaine !

    Par contre, je sais d’avance que je n’en mènerais pas large pour le 2ème enfant. Heureusement, si tout va bien, il aura la nounou actuelle du Lardon, que nous adorons. Oh, je pense que j’aurais quand même le coeur lourd, mais au moins, ça ne sera pas de confier la chair de ma chair à « une inconnue » !

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    • Je compatis. Je crois aussi que cette nouvelle nounou a essayé de me mettre dehors pour abréger les pleurs. Elles ont parfois ce fantasme que là qu’il faut arracher le sparadrap vite pour que ça fasse moins mal. D’un côté, je comprends l’idée, plus tu restes, plus l’enfant se dit qu’il y a une chance que tu change d’avis. Mais d’un autre côté, je n’adhère pas à cette idée. En tout cas dans mes tripes ça colle pas (oui, on peut toujours me renvoyer l’idée que je projette mon angoisse de séparation sur mon fils mais c’est un peu facile).
      Quand j’amenais Malo à la crèche, il était souvent le premier et je prenais mon temps. Je le déshabillais, je rangeais ses affaires et après je prenais quelques minutes pour l’installer à un jeu. ‘Mon temps’ c’est subjectif, ça devait prendre 5 minutes, 10 tout au plus, autant dire une éternité dans le couloir d’une nounou. Et pourtant une éducatrice m’a dit un jour qu’elle aimait bien ma façon de faire, que ça se passait toujours en douceur comme ça.

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