Mon bébé, ce tube digestif hurlant

Il faut que je l’écrive noir sur blanc, comme les cernes sur le visage pâle des jeunes parents. Je me connais, si je ne le fais pas, je vais encore oublier. Ça m’a fait le coup pour la grossesse. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir dit et redit que je n’aimais pas être en cloque, et pourtant, dès le marmot pondu je choppe la nostalgie du bidon rond. Là il faut que je révèle toute la vérité pour frapper fort sinon dans quelques mois, je vais me retrouver à errer dans les rayons layette en songeant au troisième. Je dois profiter de mon état d’épuisement avancé. La fatigue rend clairvoyant, plus de filtre, de barrière sociale, juste l’animalité et le réalité. Sitôt la nuit complète arrive que l’oubli efface tout. La fatigue est à nos trente ans ce que l’alcool est à nos vingt ans.

Cette fois, ils ne m’auront pas avec leurs mensonges. Un bébé n’est pas mignon, un nouveau né est moche. C’est fripé, ça ressemble à un alien ou un vieillard. C’est tout maigrichon ou trop dodu, tout bizarrement foutu avec une grosse tête déformée. Qu’il ait des cheveux ou non, l’étrangeté est là, l’impression de perruque ou de crâne d’œuf. Une peau de bébé? de l’acné, des croûtes de lait. Bien sûr parfois ils ont l’air choupinet, mais ne vous y trompez pas, un nourrisson sur une boite de lait c’est comme une femme dans un magazine, retouché.

Bien sûr on peut s’émouvoir de la mignonitude de leur tout petits pieds et de leur toutes petites mains. Ces menottes qui s’agrippent de façon si touchante à nos gros doigt de parent. Mais ne nous leurrons pas, ce n’est qu’un réflexe archaïque, le même qui fait que vous avez les seins lacérées par leurs tout petits ongles tranchants qu’on n’arrive pas à couper.

Un nouveau né ça pue. Je ne sais pas où est-ce que les gens reniflent cette douce odeur de bébé qu’on décrit, dans les flacons de Mustela peut-être? Le mien sent le lait caillé et la couche pleine.

Un nouveau né ne sert à rien.  Ou alors peut être à tester la solidité de votre couple? Ça ne sait faire que dormir, manger et chier. Mais même pour faire tout ça, il a besoin de vous, besoin que vous lui réchauffiez son biberon, changiez ses couches et que vous le berciez. Et comment trouve-t-il le moyen de vous obliger à le servir? En vous hurlant dessus! Même au milieu de la nuit, comme le plus sadique des sergents instructeurs. L’autre jour, ils re(rerere)passaient La Ligne Verte à la télévision. Dans ce film, le méchant prisonnier crache au visage du gentil gardien. Une scène plus loin, il urine sur les chaussures d’un autre puis recrache de la nourriture au visage d’un dernier… un bébé fait toutes ces choses tout le temps! Et pire, il vous vomit dessus le précieux lait que vous avez mis trente minutes à tirer à trois heures du matin. Il défèque à moitié sur votre main et à moitié sur l’unique pyjama propre et à la bonne taille qu’il restait. Et on lui pardonne! On le plaint même « oh mon pauvre chéri, tu as du mal à digérer!« . Le prisonnier, lui, a passé une sale quart d’heure après tout ça. De là à dire que la délinquance provient du fait que l’on ne punisse pas les nourrissons qui nous rotent dessus, il n’y a qu’un pas…

Cela dit, je ne suis pas tout à fait franche en parlant d’inutilité des nourrissons. En vérité, ils ont un super pouvoir, en tout cas les miens, celui de choisir toujours le plus mauvais moment pour se mettre à pleurer. Celui où vous mangez, où vous décidez de prendre une douche, d’aller au toilette ou de dormir. Et en plus on ne peut pas les laisser hurler sous peine d’un traumatisme psychique irréversible qui fragiliserait le lien d’attachement (et qui vous ferait risquer sévèrement que le bambin habite encore chez vous passé quarante ans). Mais si au moins ils nous disaient clairement ce qui les démange, mais en plus ils faut qu’on décrypte les cris.

Voilà, c’est dit et noté en toute honnêteté maternellement incorrecte :les bébés sont nuls! A lire et relire dès qu’une envie de couvade me toquera. Sur ce,  je vais aller voir mon tout petit bébé, caresser son duvet capillaire de poussin et le regarder sourire aux anges pendant que mon cœur fond.

21 réflexions sur “Mon bébé, ce tube digestif hurlant

  1. Tu m’as bien fait rire 🙂
    Je revois encore ma Biscotte à quelques secondes de vie, avec ses cheveux en bataille, un œil rouge, le crane allongé et toute fripée et le seul truc qui m’a traversé la tête c’est « mon dieu qu’elle est belle, c’est MON bébé ». Avec le recul je me dis qu’ils avaient du mettre un truc pas net dans la perfusion 😉

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    • Moi aussi j’ai trouvé mon premier beau alors que quand je revois les photos …
      Et quand je voyais des bébés d’un an, je les trouvais disproportionnés avec leur grosses têtes, sauf que quand il a eu un an, je l’ai trouvé encore plus beau…
      Bon le deuxième, j’étais un peu plus objective, je le trouvais quand même un peu louche, mais en même temps c’était un préma tout maigrichon.

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  2. J’adore tes comparaisons avec la ligne verte … le pire, c’est que je sais que je n’aime pas les 6/12 premiers mois … et pourtant, dès qu’ils dorment la nuit, j’ai l’utérus qui frétille me murmurant « on fait le suivant, on fait le suivant » 😅

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  3. C’est incroyable à quel point je suis complètement d’accord avec toi, du début jusqu’au tout dernier paragraphe 😉

    C’est vrai que Choupie ne sentait pas la rose (on trouvait même ça inquiétant, on se demandait si c’était normal que notre bébé sente aussi fort le vieux fromage) et que sa peau de nouveau-né n’avait rien d’une peau de bébé. J’avais complètement oublié ça, comme quoi, tu fais bien de me le rappeler. Et puis cette impression qu’ils ne savent rien faire, qu’ils ne servent à rien et que pire que tout : ils ne nous aiment pas. Jamais de câlin, de geste tendre, de regard affectueux : on sert juste de distributeur à lait et de berceau vivant (option chaleur corporelle incluse) (je ne sais plus à qui j’ai dit ça, je me rappelle avoir dit ça récemment ??). Quand elle était petite, je me demandais régulièrement si Choupie m’aimerait un jour, si un jour elle me ferait des vrais câlins et cesserait de ne voir en moi qu’un esclave (réponse : oui, elle m’aime et me fait de vrais câlins maintenant… hum, par contre elle me prend toujours un peu pour son esclave :p)…

    Et c’est incroyable à quel point, malgré tout, on devient rapidement aussi dépendants d’eux qu’ils le sont de nous 🙂

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    • Chez moi le Putois a toujours beaucoup transpiré, du coup, il pue des pieds depuis tout petits (mais je dis rien, ça vient de moi alors ça me rend fière ;))
      Mais il est clair que les enfants nous prennent pour leur esclave. Tu vois, moi là on croit que je bloggue tranquillement, en fait j’essaie de bouger le moins possible car j’ai un petit qui dort sur moi, et j’ai les jambe croisée car j’ai sacrément envie de faire pipi depuis une bonne demi heure!

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  4. Ah ah ah!! Mais carrément! Je suis 100% d’accord avec toi (j’avais même écrit un article à ce sujet (moins drôle je te l’accorde! Le tien est presque jouissif^^) : http://moipaspoule.com/2016/11/08/jaime-pas-pouponner/ )! Je me demande d’ailleurs encore aujourd’hui quel étrange phénomène m’a donné l’envi d’avoir un autre enfant… Surtout que le pire c’est que je me souviens bien de toutes les galères de premiers mois… On doit être mazo… Va savoir…

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    • Et le tiens est très jouissif, plein de gros mots, le privilège d’être parent et de faire ce qu’on interdit à nos enfants! hahaah (rire diabolique).
      Du coup je ne sais pas ce qui nous fait recommencer. La toute petite layette trop choupinette peut être. Ou alors la margarita, beaucoup de margarita…

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  5. Ah oui ces sentiments exacerbés et totalement contradictoires que nous fait ressentir notre (nos) bébé(s)… Je te rejoins sur le fait que je n’aimais pas être enceinte mais j’en ai la nostalgie parfois. Mais peut-être pas pour les mêmes raisons :p

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